Grâce à l’agroforesterie, la société française Forestera veut produire du cacao équitable au Pérou, en transformant des terres endommagées en espaces forestiers durables.
Un projet à fort connotation environnementale, mais également sociale que présente Lenny Martinez de Forest Finance France par le jeu des questions-réponses.
Bonjour. Quel est le projet porté par Forestera ?
Forest Finance France vient de créer une filiale, Forestera, dont l’objectif est de développer des plantations de cacao fin dans des systèmes agroforestiers responsables au Pérou dans la région de San Martin.
A travers la mise en place de nouvelles parcelles cacaoyères en partant de terrains abîmés, nous souhaitons développer notre impact local avec une vision sur le long terme du développement du territoire (infrastructures, logement, centres post-récoltes, voirie).
Nous nous appuyons pour la réalisation de ce projet sur l’infrastructure et l’expertise du groupe d’origine allemande ForestFinance, qui est présent dans la région depuis 2012 et a réhabilité d’anciennes zones d’élevage aux sols compactés.
150 hectares de cacaoyers dont environ 80 hectares sont déjà en phase de production.

En quoi vous différenciez-vous d’autres productions de cacao équitable ?
Forestera est une société commerciale, et non une coopérative ou une ONG, même si nous avons vocation à collaborer avec des coopératives pour des échanges de bonnes pratiques en matière forestière et de post-récoltes. Peu de sociétés se sont engagées sur la voie du cacao équitable et responsable, qui constitue aujourd’hui l’« ADN » de Forest Finance France.
Notre volonté est de replanter des agrosystèmes durables, de favoriser ainsi le retour de la biodiversité. Nous mettons particulièrement l’accent sur la sélection des variétés de cacao pour obtenir des fèves aux notes aromatiques agréables.
Dans une région où plus de 90% du cacao est du CCN 51 à fort usage d’intrants (variété hybride très productive mais n’a pas la richesse en arôme des cacaos « fino de aroma » et il est très acide), nous faisons pousser sept cultivars de Trinitario et un cultivar Forastero Alto Amazonas.
Notre action s’inscrit surtout prioritairement dans la lutte contre la déforestation : non seulement nous préservons et protégeons les reliquats de forêt qui se trouvent sur nos parcelles, mais nous plantons des essences forestières locales pour préserver les points d’eau, stabiliser les sols, favoriser un retour d’une biodiversité. Nous créons des agroforêts à cacaoyers.
Nos terrains sont dégradés, très souvent fortement compactés par le passage des bovins. Ils ne permettent pas un bon passage de l’eau, et ils manquent de nutriments nécessaires à la croissance des arbres.
La première étape de notre modèle agroforestier est donc de « casser » ce sol compacté, de l’aérer en plantant des légumineuses et des bananiers ; cela permet de réinstaurer un couvert végétal et de créer une litière, qui elle-même remplira le « garde-manger » qu’est le sol. Les bananiers fournissent une ombre provisoire aux cacaoyers.
Il est nécessaire d’instaurer rapidement une ombre semi-permanente, puis permanente. Dans un premier temps, nous plantons des arbres à croissance rapide (Pino Chuncho, Guava), que nous intercalons avec des essences forestières plus hautes, à croissance lente (Capirona, Cedro blanco, Caoba).
Quels sont les impacts de ce projet d’agroforesterie ?
Je parlerais plutôt « d’effets » que d’impacts. Le premier est évident : sur des terres déforestées, ayant perdues leurs propriétés nourricières, nous remettons en place un agrosystème avec pour objectif de recréer une dynamique vertueuse, la création d’une litière riche, un sol vivant, la préservation des points d’eau.
Le deuxième effet est celui du ré-enracinement à leur terre de populations touchées par le narcotrafic qui a sévi pendant de nombreuses années dans la région.
Notre volonté est de faire porter nos projets par des locaux, de les impliquer et de leur laisser la gouvernance des projets sur place. Cela suppose aussi d’impliquer tous les acteurs de la filière, jusqu’au consommateur !
Nous souhaitons avoir une activité intégrée pour limiter les intermédiaires, maîtriser les coûts. Pour cela, nous cherchons à développer notre réseau de chocolatiers (en Europe et en Amérique Latine) et faire en sorte que ces derniers et les amateurs de notre chocolat se sentent plus proches de l’arbre (Tree to Bar).
Par ailleurs, nous sommes en discussion avec un acteur de la réinsertion en France pour l’activité de transformation des fèves de cacao.
https://www.youtube.com/watch?v=_0Ow1P8kzyc
Le Pérou, c’est loin de la France. Quelles garanties quant au respect de vos engagements ?
La garantie repose sur une transparence totale et passe par un reporting précis et régulier … et il est possible de venir visiter nos différents sites à n’importe quel moment !
Sur place, Augustin Fromageot, Chef de projet et responsable de l’activité post-récolte alimente le blog et réalise des vidéos très régulières pour donner la voix à nos travailleurs.
Nous sommes en cours d’obtention de la certification UTZ pour début 2017. UTZ est un label contrôlé indépendant se concentrant sur les processus de production. Celui-ci garantit de bonnes conditions de travail et un impact limité sur l’environnement.
Le label UTZ n’existe que pour certaines denrées alimentaires telles que le café, le thé et le cacao. Cette certification n’est qu’une étape, nous souhaitons aller plus loin, être en perpétuelle évolution sur les aspects sociaux et environnementaux.
Dans cette logique, nous avons sollicité l’entreprise sociale indépendante Kinomé, chargée de mesurer et de suivre sur place l’impact social et environnemental de notre activité. Nous sommes également en phase de planification pour l’obtention de la labellisation Bio.
Agriculture, productivité et environnement font souvent mauvais ménage. Quelle motivation pousse ForestFinance à les concilier ?
Il y a de nombreux exemples où la combinaison Agriculture, productivité et environnement fonctionne ! Prenez la permaculture, les agroforêts en Asie, les « mesetas » à arganiers au Maroc…
Scientifiquement, il a été prouvé que la réintroduction de l’arbre dans les paysages agricole améliore les rendements. A ForestFinance, nous souhaitons faire de l’arbre une solution de développement économique et humain.

La réussite et la pérennité du projet reposent sur le lien social que les populations locales entretiennent avec les forêts et systèmes agroforestiers. Il est primordial de repositionner l’Homme au cœur de ces espaces forestiers afin de recréer un équilibre. Il est tout aussi important que ces projets soient économiquement viables afin d’offrir aux populations locales une alternative économique durable à la déforestation.
Vous avez choisi d’impliquer les Français à votre projet. Comment et pourquoi ?
Il est important pour nous d’impliquer les particuliers dans ce projet. Cela nous permet d’une part d’utiliser le cadre de notre activité pour continuer à sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux de la reforestation et de la préservation des espaces forestiers existants, et d’autre pour permettre à ceux qui le souhaitent de s’engager à nos côtés pour agir.
Nous procédons actuellement à une augmentation de capital à travers la plateforme de financement participatif WiSEED afin que les investisseurs particuliers participent à cet effort de reforestation dès 100 euros. Cette collecte servira à accélérer le développement et l’ampleur du projet.
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