Comme dans bien d’autres régions du monde, la consommation d’huile de palme en Inde connaît une forte croissance. Pour être moins dépendant des importations, le ministère de l’agriculture indien a alloué des fonds importants pour inciter la plantation de palmiers à huile. Une politique agricole qui met en danger le seul grand singe de ce pays, le Gibbon hoolock.
La consommation d’huile de palme explose dans le monde
Quel est le point commun entre une pizza surgelée, de la margarine, du shampoing, un petit pot de bébé, du rouge à lèvres, un paquet de gâteaux, une glace ou encore une crème pour la peau ?
Pour la moitié d’entre eux, ils contiennent de l’huile de palme.
Très bon marché, solide à température ambiante, neutre en goût et favorisant la conservation du produit, l’huile de palme se glisse partout. Produits alimentaires, soins et produits de beauté, alimentation animale et biocarburants, au quotidien, impossible donc d’échapper à ce que les Indonésiens appellent l’or rouge, en rapport à la couleur des fruits.
Ainsi, selon les données du département américain de l’agriculture, la production mondiale d’huile de palme en 2016 est estimée 64,5 millions de tonnes, soit une augmentation d’environ 10% par rapport à l’année précédente.

Cette production est essentiellement concentrée en Malaisie (20 millions de tonnes métriques) et en Indonésie (35 millions de tonnes métriques). A eux-seuls, ces deux pays représentent 85% du tonnage mondial. Les palmeraies s’y étendent à perte de vue, au détriment des forêts primaires.
Massacre des grands singes et de la biodiversité, travail des enfants, expropriations des petits propriétaires, impact néfaste sur la santé des consommateurs, l’huile de palme a beau être décriée et montrée du doigt, rien ne semble freiner sa production.
Pour une auto-suffisance en huile de palme
L’Inde est l’un des principaux importateurs d’huile de palme en provenance d’Indonésie et de Malaisie pour sa consommation intérieure. Le ministère de l’Agriculture estime celle-ci à 16 kg par an et par habitant. En 2017, la demande indienne devrait représenter 20,4 millions de tonnes.
Pour freiner les importations et devenir autosuffisant, le secteur agricole de l’Inde a pris des mesures gigantesques pour augmenter la production d’huile de palme dans le pays. Le ministère de l’agriculture et de la protection du bien-être des agriculteurs a ainsi alloué 500 millions de roupies (presque 7 millions d’euros) en 2016 pour accroître la plantation de palmiers à huile dans vingt-neuf états.
Les forêts silencieuses gagnent du terrain
Comme en Indonésie, c’est la forêt qui fait les frais de la politique d’extension rapide de la surface des palmeraies. Déjà, de grandes parcelles de forêt tropicale dans le Mizoram sont parties en fumée afin d’être converties en terres agricoles. Dans d’autres états du nord-est de l’Inde comme le Sikkim, des forêts pourtant extrêmement riches en biodiversité sont aujourd’hui en cours de déboisement pour être remplacées par les « forêts silencieuses ».

Umesh Srinivasan, chercheur au National Centre For Biological Sciences (NCBS), ne peut que déplorer cet état de fait, soulignant que la dégradation des forêts à des nombreux impacts : ruissellement des eaux de pluie, érosion des sols, baisse du piégeage du carbone qui contribue au réchauffement climatique.
Le scientifique souligne que, paradoxalement, son pays peut se vanter de voir sa couverture forestière augmenter. Celle-ci atteint même 21,34% du pays en 2016, soit 70,17 millions d’hectares. Mais derrière ces chiffres, se cache une réalité tout autre sur le terrain car les forêts originelles ne représentent plus que 2,60%, soit 85 904 km2.
Nouvelle menace pour le Gibbon hoolock
Le remplacement des forêts primaires riches en biodiversité en forêts silencieuses, le nom donné en Inde aux palmeraies à huile, réduit considérablement l’habitat des espèces sauvages.
Dans le Nord de l’Inde et au Bangladesh vit le Gibbon hoolock occidental. Le seul singe vivant à l’état sauvage de l’Inde, mais dont la population a déjà été considérablement réduite en l’espace de quelques années, sous l’effet du braconnage et du morcellement de son habitat naturel, la forêt.
Comme l’orang-outan menacé en Asie du Sud-Est, le gibbon occidental est dorénavant confronté à une destruction rapide de son habitat, et donc de sa nourriture. Si les ONG et associations de défense de l’environnement sont bien évidemment sur le pied de guerre, il appartient à chacun d’entre nous de réagir en refusant, dans la mesure du possible, de consommer de l’huile de palme.
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