C’est partagés entre sourire et déception que les milliers de manifestants sont repartis de la manifestation qui avait lieu ce samedi 22 février 2014 à Nantes contre le projet d’aéroport à Notre-dame-des-Landes. Récit d’une journée entre bonne humeur et casseurs.
Au départ de Rennes
Pour ma part, le départ se faisait à Rennes. Quatre cars complets démarrent de Bréquigny avec un peu de retard. L’ambiance est conviviale, certains se connaissent, d’autres pas, mais tous discutent.
A l’approche de Nantes, les cars se retrouvent piégés dans un bouchon. On découvre rapidement que celui-ci est dû aux nombreux tracteurs qui se rendent à la manifestation. Le car finit par arriver Place Louis XVI à Nantes peu avant 13h. Il n’y a pas de temps à perdre, il faut rejoindre le défilé.
De 13h à 16h – On retrouve au sein du cortège la même ambiance. Un petit groupe de clowns donne le rythme en musique. D’autres clowns circulent avec un caddie en s’amusant. Plus loin, on chante.
Rapidement, on passe à un premier carrefour. Celui-ci est bloqué par des grilles infranchissables, des grilles derrière lesquelles se tiennent les CRS. Même chose au suivant. C’est clair, la manifestation est canalisée et l’on nous fait avancer dans un corridor hermétique. Cela laisse comme un goût désagréable dans la bouche.
Plus loin, alors que les CRS sont visibles partout en nombre, le cortège passe devant un chantier sans protection face au CHU, avec un engin de TP, où trainent de nombreux pavés ou encore des grilles. Je fais remarquer à mon voisin que c’est étrange de laisser un tel chantier à portée de main d’une foule aussi nombreuse et que s’il devait y avoir des débordements, c’est nécessairement là que l’on les retrouverait.
Un avion passe dans le ciel. Les manifestants le huent en rigolant avant qu’un tambour, un saxo et un accordéon ne se mettent à jouer des airs que la foule reprend en chantant et agitant des banderoles parfois faites de bric et de broc.
Le défilé poursuit sa route et passe dans des rues bien loin du centre-ville et qui n’ont probablement jamais vu défiler une manifestation depuis qu’elles ont été aménagées. On fait un détour par l’île Beaulieu. On y croise une poignée de CRS. Des clowns se mettent à nettoyer leur fourgon, ce qui amuse tout le monde.
50 mètres plus loin, un autre fourgon, mais une poignée de CRS sont devant. Ils ne laissent pas passer. Les clowns ne pouvant simuler un nettoyage de leur fourgon, ils se mettent à scander « Un bisou ! Un bisou ! » , repris rapidement par les manifestants qui rigolent.
Au bout de 20 secondes, l’un des CRS recule et attrapent des équipements. Ils ne plaisantent pas. Les clowns improvisent immédiatement un service d’ordre burlesque et lancent « Circulez, il n’y a rien à voir » en rigolant.
Plus loin, en passant sur le pont Anne de Bretagne vers les quais de la Fosse, je tente de voir où sont le début et la fin de la manif, mais rien à faire, il y a trop de monde. C’est seulement là que j’aperçois au loin de la fumée.
Je passe devant des jeunes cagoulés et assis qui téléphonent. J’entends une bribe de leur conversation. « Ramenez-vous, c’est bon, ça pète là ! » Clairement, ils ne font pas partie des opposants à Notre-Dame-des-Landes. Ils ne sont là que pour chercher l’affrontement avec les CRS.
J’arrive place de la Petite Hollande qui vaut à chacun de faire un petit calembour en rapport à notre cher président. La place qui est immense est pourtant noire de monde et à perte de vue. La sono crache des chansons préparées par les manifestants et quelques discours.
Les débordements
Après une halte bien méritée dans un bar voisin, je décide seul de remonter vers l’avant du cortège pour me rendre compte du monde qui s’est mobilisé contre ce projet inutile. Il y a une foule pas possible, des centaines de tracteurs stationnés sur les voies du tramway, mais l’air est de plus en plus irritant pour la gorge et les yeux.
J’arrive au carrefour du Cours des 50 otages et de l’avenue Franklin Roosevelt et là, un tout autre visage. Les CRS en très grand nombre et cachés derrière leurs grilles emploient un canon à eau puis tirent des bombes lacrymo pour disperser la foule encore composée des (vrais) manifestants.
Une dizaine de jeunes masqués jettent des bouteilles, puis un cocktail molotov. L’AFP et tous les autres journalistes sont là. Alors que pendant tout le cortège je n’en ai vu qu’une poignée, pour le coup, ils sont tous massés au même endroit et fichtrement bien équipés puisqu’ils ont tous un casque vissé sur la tête. Je m’éloigne vers la rue suivante, même scène désolante de guérilla urbaine.
Plus loin, les casseurs ont mis le feu en travers de la rue pour empêcher les CRS (qui ont eu de très nombreux renforts entre temps) d’avancer. Je finis enfin par me retrouver en face du CHU. Deux engins de chantier brûlent, à l’endroit même où j’avais fait la remarque que le fait que le chantier n’était pas surveillé était très risqué. C’est la fumée que j’apercevais depuis le pont Anne de Bretagne.
Pour le reste, il suffit de regarder dans votre quotidien habituel. Ces débordements ont fait les choux gras de la presse qui n’a relayé que cette partie alors que la quasi totalité des manifestants (moyenne d’âge plus proche des 40 ans que des 20 ans des casseurs) qui était sur la place de la Petite Hollande ne savait alors pas qu’il y avait de tels échauffourées.
Le retour
C’est un peu amers que les manifestants reprennent le car. Certains ont été retardés par les multiples cordons des forces de police qui empêchaient toute circulation, même à pied.
Mon ressenti, c’est que chacun était partagé entre la satisfaction de cette mobilisation record (40 000 à 50 000 personnes) et une certaine colère face aux casseurs qui allaient accaparer les journalistes et éclipser la manifestation en elle-même. Comme un certain nombre, je trouve également surprenant que les forces de l’ordre aient laissé un chantier accessible. (Incompétence ou traquenard ?).
Ceux-ci montraient visiblement une forte détermination à disperser la foule à tout prix. J’ai vu deux enfants de moins de 10 ans qui circulaient au fond de manifestation, loin des échauffourées, recevoir à 30 cm de leurs pieds une bombe lacrymogène.
Toujours est-il que cela n’a visiblement pas entamé la détermination de chacun, car un autre rendez-vous est prévu et tous sont bien décidés à s’y rendre. Pour ma part, je garderai l’image d’un rassemblement bon enfant, la seule image que l’on aurait dû voir de cette manif, mais également une sensation d’écoeurement vis-à-vis des casseurs.
Pour conclure, une vidéo qui résume parfaitement le déroulement de cette journée: (regardez bien jusqu’au bout ! )
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